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Un réseau de passeurs à la barre du tribunal de Dieppe

« C’est de l’exploitation de la misère humaine. »

Les mots du procureur de la République claquent dans la salle d’audience où comparaissent six prévenus. Des hommes domiciliés en région parisienne qui ont, entre 2009 et 2010, fait partie d’un réseau de passeurs de migrants vers l’Angleterre.

L’affaire démarre par un flagrant délit en avril 2009. Un camion est contrôlé à Dieppe, et les douaniers découvrent onze clandestins vietnamiens cachés derrière des plaques de plâtre. Le chauffeur du camion est placé en garde à vue et il avoue tout. Il donne alors les identités des personnes qui lui ont demandé d’effectuer le trajet, notamment un Algérien d’une quarantaine d’années. Présent lors de l’audience, l’homme reconnaît les faits : « J’avais besoin d’argent et on me promettait 2 500 € si je prêtais mon véhicule. » Il se met alors à la recherche d’un chauffeur, et avec l’aide d’un ami roumain, ils recrutent dans des camps de la Seine-Saint-Denis. Plusieurs passages vers l’Angleterre sont organisés jusqu’à l’interpellation sur le terminal transmanche de Dieppe. « Je savais que c’était illégal, explique celui qui a prêté les camions, mais je ne pensais pas que c’était aussi grave. »

Deux ans ferme requis

À ses côtés comparaissent également deux frères d’origine vietnamienne. Leur rôle était de transporter les migrants du XIIe arrondissement de Paris jusqu’à des parkings de banlieue. Avec leur propre voiture, ils effectuent les trajets la nuit tombée. « Vous ne vous êtes posé aucune question sur ce qu’allaient vivre ces migrants ? », demande la présidente Sandrine Branche. « Non, je suis moi-même arrivé en boat people », lui répond le prévenu. Les deux frères reçoivent les consignes de la part d’un autre Vietnamien, également cité dans cette affaire. L’homme de 35 ans est la figure centrale qui relie les prévenus entre eux. Il raconte sa jeunesse à Paris et comment il s’est retrouvé chauffeur d’un cuisinier trempé dans de multiples affaires. En échange du gîte et du couvert, il met en place la logistique du trafic. « Je me questionne quand même sur l’argent qu’a rapporté ce réseau », déclare le procureur Yves Dupas. L’enquête établit en effet que les clandestins payaient 7 000 € pour un passage. « Il restait donc presque 5 000 € à se partager », poursuit-il.

Dans leurs plaidoiries, les avocats de la défense regrettent que le principal donneur d’ordre n’ait pas été retrouvé par les enquêteurs. Chacun argumente en faveur de son client en expliquant qu’il n’était qu’un simple exécutant. « Ils ont voulu de l’argent facile, et ils le regrettent amèrement », résume Maître Rabier du barreau de Meaux. Le procureur a requis des peines d’amende et jusqu’à quatre mois de prison pour les plus petits intermédiaires. À l’encontre du Vietnamien, bras droit du principal donneur d’ordre, il requiert deux ans de prison et 20 000 € d’amende. La décision a été mise en délibéré au 5 juin prochain.

Paris-Normandie.fr | Publié 26/04/2018 22:36